Slivovice n’a plus la cote, les distilleries françaises se tournent vers le whisky

« Nous avions toutes les cartes en main : des alambics, des fûts de chêne, de l’eau des Vosges et de l’orge maltée d’une brasserie voisine. Il n’y a qu’à le faire », explique Jean Metzger, l’un des gérants de la distillerie Bertrand, dans la commune d’Uberach.

Sur les murs de cette entreprise fondée en 1874, sont exposées des dizaines de récompenses remportées pour ses schnaps à la poire et à la prune. Cependant, il n’y a pas de prix ici pour le schnaps de malt. «Nous ne courons plus après les médailles», estime le propriétaire de la distillerie dans son entrepôt, où reposent quelque 250 fûts de chêne français contenant la boisson, qui doit vieillir au moins trois ans pour devenir du whisky.

Chaque fût contient du whisky, divers vins et boissons alcoolisées, comme du cognac, du banyuls ou du champagne, avant d’y être versé. Par exemple, l’Uberach Single Cask Jaune a une couleur ambrée due à l’élevage en fût de raisins jaunes d’Arbois.

La qualité est déterminée par les caractéristiques du fût

« La qualité du produit final dépend avant tout des caractéristiques du fût », souligne Jean Metzger, qui recherche des fûts d’exception partout dans le monde.

« En tant que région viticole, nous avons accès à des barriques de grande qualité. Nous avons été les premiers à produire du whisky 100 % alsacien à partir de fûts provenant de la petite ville d’Husseren-les-Châteaux en Alsace », explique Metzger.

Photo : Profimedia.cz

Selon Metzger, la qualité du produit final dépend avant tout des caractéristiques du fût.

Le travail avant le vieillissement de la boisson a été réalisé par le maître distillateur Laurent Osswald. La matière première, achetée à la brasserie de la ville, est de l’orge maltée biologique sans houblon, a-t-il précisé.

Après fermentation, la boisson est distillée deux fois dans un petit alambic en cuivre Bertrand pour produire une eau-de-vie d’orge légère et fruitée, qui est ensuite versée dans différents fûts pour lui donner son caractère.

En 2006, le premier whisky d’Uberach est vendu dans la boutique de Bertrand. D’autres ont emboîté le pas.

Ils ont arrêté la production de schnaps

«Aujourd’hui, un client sur trois achète du whisky», précise Jean Metzger, précisant qu’il a pour l’instant arrêté de fabriquer des eaux-de-vie de fruits.

L’Alsace, région brassicole historique et productrice d’eaux-de-vie de fruits de distillation fine, a tout pour devenir une région pionnière du whisky français, au même titre que la Bretagne, explique le directeur de la Fédération française du whisky, Philippe Jugé. Parallèlement à la distillerie Bertrand, des dizaines de producteurs d’eaux-de-vie de fruits en Alsace se lancent dans la production de whisky.

« La demande et les ventes continuent d’augmenter », a déclaré Régis Syda, président du syndicat des distillateurs et spiritueux d’Alsace. « La production n’est pas aussi élevée qu’en Irlande ou en Écosse, mais le whisky alsacien attire même les clients étrangers », explique-t-il.

Depuis 2015, la région dispose d’une indication géographique protégée pour développer son savoir-faire en matière de boissons alcoolisées : le whisky alsacien doit être issu d’orge maltée provenant de la région où il est également produit. Les six distilleries alsaciennes suivent strictement des procédures de production contraignantes, gage de qualité, selon Metzger. Il est optimiste quant à la capacité du whisky français à trouver sa place aux côtés des géants japonais et écossais.

Avec deux distilleries, une brasserie et une usine d’embouteillage pour 1 200 habitants, Uberach a tous les prérequis pour devenir la capitale française du whisky, plaisante Metzger. Le saint patron de la ville, saint Wendelin, fils d’un roi écossais, ne s’y serait probablement pas opposé.

James Bonnaire

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