Prince héritier saoudien en visite en France. Il est en Europe pour la première fois depuis le meurtre de Khashoggi

Le président français Emmanuel Macron a reçu jeudi à Paris le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane. Il est venu en France de Grèce, où il a rencontré le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis.

Il s’agit de la première visite du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane en Europe depuis l’assassinat du critique du régime saoudien Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul en octobre 2018. Une enquête de l’ONU a qualifié l’acte « d’assassinat extrajudiciaire dont l’Arabie saoudite est responsable ».

La vague de critiques

Sa visite en France a suscité une vague de critiques de la part des organisations de défense des droits de l’homme et des partenaires du journaliste assassiné. Cela les dérangeait qu’une visite officielle donne au prince une légitimité et une position de partenaire égal.

Mais selon la première ministre française Elisabeth Borne, l’arrivée du prince ne signifie pas que la France a renoncé à ses principes. « Bien sûr, il ne s’agit pas de renoncer à nos principes ou de remettre en question notre engagement à respecter les droits de l’homme », a déclaré Borneo.

Selon l’Elysée, le sujet des négociations entre l’héritier du trône saoudien et le président français serait l’accord sur le nucléaire iranien ou la production de pétrole. Macron aurait également soulevé des questions liées aux droits de l’homme.

La réunion sera considérée comme la dernière étape vers la réintégration du dirigeant de facto du royaume dans la communauté internationale, a écrit l’AFP. Le président américain Joe Biden a également rencontré Salman plus tôt dans le mois.

Salman, décrit chez lui comme un partisan des réformes sociales et économiques mais considéré par les critiques comme un tyran meurtrier, est arrivé en France tout juste d’un voyage en Grèce où il a négocié des liens énergétiques.

« Je me sens très perturbé par cette visite. Surtout à cause de ce que cela signifie pour notre monde et pour Jamal (Khasukhji) et les gens comme lui », a déclaré à l’AFP la secrétaire générale d’Amnesty International, Agnès Callamard.

« La visite de MBS (l’abréviation utilisée pour Muhammad bin Salman en français) en France et la visite (du président américain) Joe Biden en Arabie saoudite ne changent rien au fait que MBS n’est autre qu’un meurtrier », a déclaré Callamard, qui a enquêté. Le meurtre de Khashoggi alors qu’il était rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires.

Son acceptation par les dirigeants mondiaux a été « d’autant plus choquante que beaucoup d’entre eux ont exprimé à l’époque du dégoût (de l’assassinat) et un engagement à ne pas rendre MBS à la communauté internationale », a-t-il ajouté, condamnant les « doubles standards ».

« Je suis scandalisée qu’Emmanuel Macron ait reçu le bourreau de ma fiancée avec tout le respect que je lui dois », a déclaré la fiancée de Khashoggi, Hatice Cengizova, dans un communiqué transmis à l’AFP.

Salman fait face à un procès pour le meurtre de Khashoggi

Aujourd’hui à Paris, deux organisations non gouvernementales ont porté plainte contre le prince héritier saoudien pour sa participation à la torture et au meurtre de Khashoggi. Muhammad bin Salman a été « impliqué dans la torture et la disparition forcée de Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre 2018 », a écrit l’organisation dans le procès de 42 pages. « Le prince héritier ne bénéficie pas de l’immunité de poursuites parce qu’il n’est pas le chef de l’Etat », a-t-il déclaré.

L’assassinat a suscité l’indignation non seulement parce qu’il impliquait d’éminents détracteurs du régime saoudien, mais aussi en raison de la manière dont il a été commis. Le 2 octobre 2018, Khashoggi a été attiré dans le consulat saoudien, étranglé et prétendument démembré avec une scie à os.

Les Nations Unies ont également déclaré qu’il existait des « preuves crédibles » justifiant une enquête plus approfondie sur la responsabilité individuelle de hauts responsables saoudiens, dont Salman. Les agences de renseignement américaines ont découvert que Salman avait approuvé l’opération qui a conduit à la mort de Khashoggi. Cependant, Riyad nie cela et accuse des opérateurs expérimentés d’avoir perpétré et planifié l’assassinat.

Macron a déjà eu des entretiens avec Salman en décembre 2021

Le président français a eu des entretiens avec Salman en Arabie saoudite début décembre 2021, lorsqu’il est arrivé pour parler avec MBS, ce qui a suscité la méfiance à l’époque. Salman est responsable de la gestion quotidienne du pays car son père, le roi, est incapable de mener à bien toutes ces activités en raison de sa santé.

Macron rencontrera le nouveau Salmane à l’issue de pourparlers avec deux proches alliés du royaume, le président des Émirats arabes unis Mohamed ben Zayed et le président égyptien Abdul Fattah al-Sissi. Macron, de son côté, revient d’un voyage dans trois pays africains, après avoir visité le Cameroun, le Bénin et la Guinée-Bissau.

Les entretiens débuteront dans l’après-midi, à 20h30 CEST. La réunion comprendra un dîner de travail au Palais de l’Elysée. Salman serait arrivé à l’aéroport de Paris mercredi soir et se serait dirigé vers une résidence privée à l’extérieur de la ville.

L’Arabie saoudite est un partenaire commercial important pour l’Occident

Malgré les préoccupations relatives aux droits de l’homme, l’Occident considère l’Arabie saoudite comme un partenaire important en raison de ses ressources énergétiques, de ses achats d’armes et de sa forte opposition au régime théocratique iranien.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a rendu les réserves de pétrole et de gaz de l’Arabie saoudite encore plus importantes pour l’Occident. Callamard s’est dit préoccupé par le fait que « les valeurs s’effacent face aux inquiétudes concernant la hausse des prix du pétrole ».

« La guerre en Ukraine a ramené les pays producteurs d’énergie sur le devant de la scène, et ils en profitent. Cela leur donne un levier politique pour réaffirmer leur importance sur la scène internationale », a déclaré Camille Lons, chercheur à l’Institut international d’études stratégiques (IISS).

Albert Gardinier

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