Amener des objets étrangers importants à Prague est l’une des tâches indispensables du festival du Printemps de Prague, qui se termine ce mardi.
Cette année, les Italiens se sont distingués parmi les bons et les meilleurs, en particulier l’orchestre romain de l’Académie nationale de Santa Cecilia, dirigé par Antonio Pappano. Et pour finir, également l’Orchestre National de France au Capitole de Toulouse, qui se produit ce lundi pour la première fois en République tchèque. Aujourd’hui, il se produira pour la deuxième fois avec un programme et un soliste différents.
Depuis plus de dix ans, l’ensemble toulousain est dirigé par le chef d’orchestre Tugan Sochiev, 42 ans, originaire d’Ossétie du Nord-Alanie et homme au charisme particulier qui électrise les interprètes et le public sans en avoir l’air.
Au début du concert d’hier, dans la salle Smetana du bâtiment municipal, a été joué un poème symphonique du romantique russe Alexandre Borodine intitulé Dans les steppes d’Asie centrale. Ses compositions tendancieuses, célébrant le rattachement du Turkestan au grand empire russe, séduisent par leurs mélodies et leur beauté orientale.
Les Français étaient enchantés dès les premières notes, les plus douces, alors que la musique naissait comme de rien. Leur souffle est fort et les cordes sont douces, le discours général est doux et l’intonation est nette même dans les endroits les plus compliqués.
Avec le calme d’un sage, Sochiev « évoque » des gestes qu’on ne retrouve pas dans le vocabulaire de base d’un chef d’orchestre. Ses mouvements sont économes, mais éloquents, gracieux, il ne laisse souvent le joueur que sous l’œil vigilant de son regard engageant. La poésie symphonique passe comme un rêve, se dissout dans le pianissimo comme un mirage.
Toulousi rejoint une tradition musicale française, toujours présente aujourd’hui, avec le concerto pour flûte et orchestre de Jacques Ibert. C’est peut-être grâce au soliste que la salle était presque pleine : Emmanuel Pahud était un concept, un phénomène.
Ce flûtiste de longue date de la Philharmonie de Berlin et soliste recherché possède la même flûte en or de quatorze carats qu’il a achetée il y a 30 ans lorsqu’il était étudiant. Agissant comme si elle ne faisait qu’un avec l’instrument, la flûte exauce tous ses souhaits et produit des sons limités uniquement par l’imagination de son propriétaire.
Le flûtiste Emmanuel Pahud est un concept, un phénomène. | Photo : Zdeněk Chrapek, Printemps de Prague
La note d’Ibert est excellente à tous points de vue et demande de l’interaction. Mais l’interaction entre Pahud jouant de mémoire et l’orchestre ressemblait à un match de tennis amical. Des collègues de l’orchestre ont brillamment « sélectionné » les enregistrements éclair à détruire. Ses auditeurs étaient étonnés et amusés.
Le rappel, dont le flûtiste ne voulait probablement pas, s’est avéré sensationnel : Pahud a coloré la composition symbolique de l’impressionnisme, le Syrinx pour flûte seule de Debussy, avec un nombre incroyable de nuances, façonnant parfaitement chaque note. Il ne semblait même pas avoir besoin de respirer : le public restait à l’écoute, essoufflé.
Après l’entracte, a suivi la Symphonie n° 4 de Tchaïkovski. Contrairement, par exemple, au chef d’orchestre de la Philharmonie tchèque, Semjon Byčkov, la conception de Sochiev était plus modérée. Toutes les tensions, contradictions et douleurs que le compositeur a mises dans sa musique semblent intériorisées, sous la surface.
Orchestre National du Capitole de Toulouse
(Organisé par le Festival du Printemps de Prague)
Tugan Sochiev – chef d’orchestre
Emmanuel Pahud – flûte
Maison municipale, Prague, 3 juin
La composition a été grandement facilitée par le fait que le chef d’orchestre a conservé un son et une gradation importants dans la section finale. Cette fois, les deux rappels ne perturbent pas l’atmosphère et s’intègrent dans la dramaturgie globale : la partie de bravoure de Casse-Noisette (Trepak) et la Marche des Toréadors de l’opéra Carmen ont été interprétées avec une certitude stylistique absolue, sans aucune trace d’exhibitionnisme.
On ne sait pas comment ce chef d’orchestre a fait cela. Mais en performance, les chansons jouées des milliers de fois sonnent comme une musique nouvelle et passionnante. L’Orchestre de Toulouse ou du moins son patron le fera Le printemps praguois ils doivent revenir. Les cours de musique française et russe ne suffisaient jamais.
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